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13 mai 2013 1 13 /05 /mai /2013 20:18

La fin de la liberté de parole (et d’opinion) est-elle pour demain ?

La récente histoire du « mur des cons » (et, avec un esprit proche de l’école primaire, nous aimerions rétorquer à ces austères magistrats : « qui l’écrit, l’est … ») vient illustrer d’une façon éclairante (et inquiétante) la dangereuse dérive vers une pensée unique de plus en plus totalitaire et intégriste. Une pensée avec une coloration politique bien précise, qui s’arroge le droit de distribuer des bons et des mauvais points en termes de moralité et d’acceptabilité de l’opinion, agissant avec une bonne dose de manichéisme effréné.

Et pourtant, tout ce qui fait partie des institutions publiques ou des organisations privées, se sent obligé et se fait une vertu de se transformer en chantre de la diversité et du multiculturalisme, apôtre du pluralisme et de la liberté de parole. Mais de quelle parole s’agit-il, aux faits ? De n’importe quelle parole, en hommage aux véritables principes démocratiques qui garantissent la liberté d’opinion, où à une parole « juste » par rapport à d’autres paroles « fausses » ? Ainsi, en détournant la célèbre phrase de George Orwell : « Toutes les paroles sont égales, mais certaines sont-elles plus égales que les autres ? ». Nous vivons toujours dans une société où les libertés d’opinion et de parole sont garanties ou nous nous approchons sournoisement du régime de  la « bonne » opinion et de la « bonne » parole ?

Toutes ces interrogations nous conduisent à observer le rôle grandissant du clivage idéologique dans la vie publique française (et non seulement), qui à plus de 45 ans de distance est encore affectée par le fait de préférer d’ « avoir tort avec Sartre que raison avec Aron ». D’où vient cette chimère qui veut que seule la pensée de gauche soit dépositaire de la verité ?

 

Une certaine idée de la gauche qui vient de loin

PRAVDA.jpgLe germe de cette séparation entre « pensée orthodoxe » et « pensée hérétique » vient de loin. L’Europe continentale de 1945, au sortir de la guerre, va connaitre non seulement le partage par le rideau de fer, mais aussi un partage plus subtil et néfaste au niveau des consciences. La vieille classe dirigeante bourgeoise et libérale se voit discréditée,  du fait de n’avoir pas su s’opposer avec succès à la montée en puissance du nazisme. L’Union Soviétique et le communisme jouissent d’un prestige hors pair auprès des classes populaires, qui rêvent d’importer le grand soir révolutionnaire à Paris et Rome. Mais les accords de Yalta, bien que critiquables pour avoir livré la Mitteleuropa en pâture à la dictature staliniste, préservent l’Europe occidentale. Quelle est alors la stratégie de nos marxistes nationaux ? Si on ne peut pas s’emparer de l’état et des moyens de production, emparons-nous alors de la sphère intellectuelle, dominons la culture, l’école, les universités, élevons une génération qui nous portera au pouvoir à travers les élections dans dix, vingt, trente ans… L’assaut culturel est donc conduit brillamment, favorisé aussi par le manque de toute alternative philosophique dans l’autre camp : dans un monde balayé par la guerre, où le mot « Droite » est utilisé fallacieusement comme synonyme de « fascisme », où la déchristianisation se met en route, le solide corpus idéologique de la gauche agit comme un aimant sur le milieu intellectuel. Les pays où ce phénomène est particulièrement visible sont la France et l’Italie, là où sans surprise le Parti Communiste de stricte obéissance stalinienne atteint ou dépasse 30 % de l’électorat. Pendant plusieurs décennies, les intellectuels de gauche, se réclamant plus ou moins ouvertement au communisme, dictent leur pensée unique. Un cas emblématique sera la maison d’édition italienne Einaudi (fondée dans les années Trente par le fils de l’économiste libéral et futur président de la république, Luigi Einaudi). Au delà d’un remarquable travail éditoriale qui fera découvrir au public des grands écrivains internationaux, les responsables de cette maison exercent un contrôle impitoyable sur ce qui, à leurs yeux, est « bien » ou « mal » : les auteurs et les livres en odeur d’hérésie politique (c'est-à-dire pas élogieux du marxisme-léninisme et ne prônant pas l’avenir radieux des peuples socialistes…) sont inévitablement voués aux gémonies et considérés inacceptables : tel sera le cas de Boris Pasternak ou de Tomasi di Lampedusa, coupables de ne pas se plier dans leurs écrits à la glorification de la révolution populaire ou du matérialisme soviétique. Certes, la fin du stalinisme et la transformation de l’URSS amèneront à des changements de route, mais le prisme idéologique faisant ressortir une certaine primauté culturelle et intellectuelle de la pensée de gauche comme unique forme intellectuelle moralement valable était destiné à perdurer jusqu’à nos jours, avec les dégâts et l’arrogance médiatique qu’on voit encore. L’arrogance auto-entretenue d’une certaine gauche qui se sent dépositaire de la vérité absolue, qui n’hésite pas à dénigrer l’adversaire (en le traitant de con !), à résoudre (ou ensevelir) chaque contestation en se drapant dans sa supposée supériorité morale, tel un inquisiteur de la Contre- Réforme au procès de Galilée. Il faudra attendre les années Quatre-Vingt et l’arrivée de Margaret Thatcher, la chute du mur de Berlin et la fin du monde soviétique pour que la gauche européenne choisisse définitivement et majoritairement la social-démocratie. Toutefois, si la mue s’est faite notamment en acceptant les principes de l’économie de marché et de la démocratie parlementaire, le vieil orgueil de détenteurs d’une vérité unique suprême demeure intacte et irréductible.

La dérive vers un système totalitaire de pensée unique se traduit aussi, juridiquement, dans la mise en place de toute une série de lois interdisant telle ou telle opinion, en réduisant au rôle de crime tout révisionnisme historique, avec le résultat que certaines pensées, devenues inexprimables et clandestines, finissent par alimenter tout une série de réseaux souterrains, chatouiller les imaginations le plus ingénues et faibles, et générer des drames et de l’intolérance, alors que l’acceptation de leur exposition, sans contraintes, aurait permis, via la libre confrontation, le désarmement des théories le plus absurdes. Hélas, comme nous l’a appris Stefan Zweig : « Là ou s’exprime le parti, la vérité parle rarement ».

 

Diversité de façade et triomphe du marketing de masse

Une attitude assez schizophrène donc, que celle adoptée actuellement par la plupart des sociétés occidentales. D’un coté, nous voyons les multiples appels à la valorisation des diversités et du multiculturalisme, ce qui est sans doute un bien, si il s’agit de valoriser les apports exogènes afin d’améliorer une situation existante, mais un mal si ne fait que créer une juxtaposition de communautarismes et sectarismes. De l’autre coté ; voici l’émergence d’une pensée qui se veut « correcte », « vraie » et donc unique, car point de salut en dehors d’elle ! Ce mécanisme d’exclusion des idées dissidentes (on serait tentée de dire « celle-ci est la meilleure des opinions possibles »), jugées fausses, inacceptables, « nauséabondes » (pour reprendre un terme à la mode utilisé par des commentateurs dont le vocabulaire crie misère…) trouve son origine historique dans l’abandon de la sphère culturelle à l’hégémonie marxiste (ou néo-marxiste), tel que nous l’avons illustré ci-dessus. Mais, comme toute construction intellectuelle basée sur un postulat bancal, même la supposée et très douteuse supériorité morale de la gauche finit par trébucher, et cela arrive aujourd’hui avec cette affaire de « mur des cons ». Regardez comme l’utilisation de l’expression grossière que nos mères nous interdisaient de prononcer est traitée de façon ambigüe par les penseurs et commentateurs de gauche : si elle se trouve dans la bouche d’un président (de droite) de la république, lâchée sur le vif au cours d’une altercation (« casse-toi… »), cela suffit à déchainer les passions et les critiques véhéments des censeurs offusqués par tant de vulgarité. En revanche, si elle apparait dans un contexte de gauche (donc dans le camp de la verité et de la justice !), de plus, préméditée à l’avance (telle la une d’un certain quotidien ou l’affichage syndicale) elle est acceptable, traitée comme un trait d’esprit ou un cri sacré d’indignation populaire.

 

Voici le message que les artisans de la pensée unique veulent donc faire passer : « Soyez différents, soyez multiculturels, brave gens, mais obéissez aux principes de la Vraie, Unique et Juste Pensée, qui vous dit ce qui est bien et ce qui est mal ! ». Tout ça nous rappelle la célèbre phrase attribuée à Henry Ford (qui n’était pas connu pour être un homme de gauche) : « Vous pouvez choisir le modèle de voiture et la couleur que vous préférez, tant que c’est un modèle « T » de couleur noire ».

 

Crédit images : Google

 




 

 

 

 

 

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