4 mai 2012
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A étonné la récente décision du jury du prix Pulitzer de ne pas attribuer la prestigieuse distinction dans
la catégorie narrative. Une rapide lecture des pages littéraires des principaux journaux nous a appri que cela était dû plus particulièrement aux arcanes du fonctionnement de cette académie et à
des contrastes entre elle et des maisons d’édition. Pourtant, on peut légitimement se demander comment ces distingués intellectuels ont pu ignorer l’excellent roman dont nous allons vous parler.
Avec son titre « renoirien », il plonge le lecteur dans un monde très « Fifht avenue ». Nous recommandons de le lire en écoutant Gershwin ou Rachmaninoff et plonger dans cet
hymne à New York aux accents dignes de Maupassant. Nous tenons de plus à en citer deux passages qui nous ont enchantés :
« Car qu’est-ce que la civilisation, sinon le moment où
l’intellect échappe à la triste nécessité (le logement, la nourriture, la survie) pour s’épanouir dans les hautes sphères du superflu raffiné (la poésie, les sacs à main et la haute
cuisine) ? »
« Il y a en chacun de nous un morceau du passé qui tombe en
ruine ou qu’on brade par petits bouts. Simplement, en général il ne s’agit pas d’une cerisaie mais de la place que nous accordions dans nos pensées à quelque chose ou à
quelqu’un. »
Ce livre est donc un rêve, et pas des moindres : le rêve américain.
Amor Towles, Les Règles du Jeu, Albin Michel
Un conservateur éclairé
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La bibliotèque du Conservateur
16 avril 2012
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Nous recherchons, nous chérissons la légèreté. Si parfois cette « auretta assai gentile » (petit air fort gentil, comme nous l’enseigne Gioacchino Rossini) se fait rare dans la vie quotidienne, nous n’y renonçons pas
dans les loisirs. Ainsi, nous accueillons avec plaisir le troisième volet des aventures d’une charmante conservatrice (et oui…) du patrimoine, prénommée Pénélope, que nous suivons depuis les
temps où elle était en charge de la tapisserie de Bayeux. Ce petit roman vénitien nous fait penser, par l’agilité de l’esprit et l’érudition plaisante, à certains œuvres du regretté duo Fruttero
& Lucentini (dont « L’amant sans domicile fixe » et « Place de Sienne, coté ombre »), et offre au lecteur une fort agréable récréation en dehors des lourdeurs et des
banalités d’une fin de campagne électorale
Adrien Goetz, Intrigue à Venise, Grasset
Un conservateur éclairé
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La bibliotèque du Conservateur
30 janvier 2012
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Un certain raccourci mental, privilégié par tous ceux qui considèrent qu’être conservateur signifie être ennuyeux, voudrait que
nous soyons pour la plupart du temps plongés dans des pensées austères et dépassées. Quelle erreur, alors que notre devise est de rechercher et apprécier les bonnes choses en politique comme en
littérature et en style, indépendamment de leur plus ou moins légitime labélisation.
Récemment, un confrère blogueur (http://leparadigmedelelegance.wordpress.com) a sonné une
juste charge contre l’emploi à tort et à travers du mot « luxe », lequel galvaudé à l’extrême recouvre maintenant l’univers de la pacotille
bling-bling de mauvaise qualité à prix élevé. Nous nous plus n’apprécions le luxe factice des soi-disant grandes marques : si nous portons avec
plaisir un trench Burberry, chaque fois que nous l’endossons nous pensons, ne serait-ce qu’un court instant, aux Tommies dans les tranchées de la Somme. Nous ne portons pas un bout de chiffon
cher parce que c’est « in » ou « exclusif » ou « à la mode » ; nous rendons hommage à l’histoire de la Vieille Angleterre.
Pareillement, notre choix en littérature se porte à la fois sur les classiques et sur les contemporains. Et aussi sur la
« culture populaire », et dans sa forme par excellence : la bande dessinée. Ainsi, depuis l’avoir fortuitement découvert dans les rayons avant Noël, nous jouissons de moments de
pur bonheur avec « L’intégrale de Carl Barks », en cours de publication chez Glénat (24 volumes au total, dont le sixième est prévu pour fin février). Carl Barks (1901 - 2000), pour
information, est le génial créateur de personnages tels que Picsou (pas de Donald Duck, préexistant à la venue de Barks, mais par lui porté aux sommets), auteur de la plupart des histoires
désormais classiques, écrites et surtout dessinée dans les années Cinquante et Soixante. Ces magnifiques aventures sont autant d’œuvres d’art, il suffit de s’arrêter un instant sur l’expression
des visages des canards, sur la drôlerie de certaines reparties dignes d’Audiard, sur la savante connaissance de l’histoire et des mythes réutilisées pour concevoir des moments de béatitude
littéraire. On éprouve le même bonheur en lisant Carl Barks que celui qui nous saisit en tombant sur une des meilleurs pages de Maupassant. Bien évidemment, pour le sot et l’ignare nous sommes
retombés en enfance, mais quel cas faisons-nous de la pauvreté de leur opinion ?
La dynastie Donald Duck – Intégrale Carl Barks, 24 volumes (dont cinq disponibles
actuellement)
Un conservateur éclairé
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La bibliotèque du Conservateur
31 juillet 2011
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Nous avons appris à aimer une certaine american way of life en regardant les
tableaux et dessins de Norman Rockwell : on y voit des écoliers qui distribuent des journaux avant leurs cours, des boutiquiers souriants, des bons pères de famille au volant de rutilantes
Cadillac … bref, tous les symboles d’un imaginaire collectif qui ont fait plus que le Plan Marshall pour ancrer l’image d’une Amérique bienveillante et accueillante dans les esprits
européens… Avec le temps, ces images idylliques nous font regretter ce monde lointain, chaleureux et confiant, dont le sommet allait être atteint au cours de l’été 1969, quand le drapeau à
stars & stripes fut planté sur le sol lunaire… Des biens belles images, une bien belle histoire, mais que cachaient-elles ? Pas de drames,
pas des obscures machinations gouvernementales telles que ce plaisent à imaginer les obsédés de la théorie du complot, mais une machine conformiste, réglée dans les plus infimes détails. Un monde
codifié, certes, mais bien loin, toutefois, de l’uniformisation brutale et imposée qui régnait à l’époque de l’autre côté du rideau de fer. Pour bien comprendre ce monde de carte postale, rien ne
vaut la plume du belge Simenon, qui dans « La boule noire » nous décrit les affres d’un individu qui, pendant quelques courtes semaines, se
plait à jouer les anarchistes dans sa tête, car il se sent victime et étranger à la société américaine. En réalité, il n’en est rien, il traverse simplement la crise de l’homme mûr, qui voit ses
rêves idéalistes s’évanouir et comprend que le monde est une vaste comédie, et qu’il faut jouer le rôle comme tout bon acteur.
Georges Simenon, La boule noire, dans la collection « Le monde de Simenon » éditée par Le Monde.
Un conservateur éclairé
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La bibliotèque du Conservateur
5 février 2011
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Comme dans toute biographie de l’un des grands vieux de notre histoire récente, celle-ci même est, en quelque sorte, un hommage au monde d’hier. Antoine Bernheim représente une
certaine idée de faire de la finance, quand cela était encore un art manié par des hommes plus près de la diplomatie que de l’ingénierie. C’était encore il y a quelques années, avant que des
monstruosités telles que la gestion quantitatives où les produits dérivés dénaturent à jamais la noblesse du métier de la banque. Ainsi, ce livre a le mérite de reconnaitre et faire connaitre la
stature morale et le rôle de l’ancien associé-gérant de chez Lazard... C’en est bien le seul, hélas. Voici un livre de journaliste, redondant de répétitions de phrases et de définitions
stéréotypés, résultant sans doute d’une juxtaposition d’articles de presse parsemée de temps en temps d’un bon mot ou d’une fausse confidence
Pierre de Gasquet, Antoine Bernheim, le parrain du capitalisme français, Grasset.
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La bibliotèque du Conservateur
20 novembre 2010
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Singulière ouvrage que cet « Homme sacrifié » d’Allan Massie, surement inattendu pour
les lecteurs français. Il s’agit en effet d’une sorte de « docu-fiction » (hélas nous commettons nous aussi le péché véniel d’utiliser des
mots à la mode…) largement inspiré par l’enlèvement et l’assassinat d'Aldo Moro, qui nous transporte dans les années de plomb italiens, lorsque la république était en guerre contre les
terroristes gauchisants des « Brigate Rosse » (les Brigades Rouges). On aperçoit entre les lignes l’esprit du « Guépard » de Tomasi di Lampedusa, ce regard désenchanté sur les hommes et sur le monde, sans espoir de rédemption et de changement. Face au déchainement
de la violence idéologique à laquelle s’oppose la plus impitoyable raison d’état, « les choses qui rendent possible de rester en vie et de conserver
sa raison sont celles qui viennent annuler la réflexion par la moquerie ».
Allan Massie, L’homme sacrifié, Rivages.
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